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Mercredi cinéma : "Week-ends" d'Anne Vilacèque avec Karin Viard, Noémie Lvovsky, Jacques Gamblin...

Publié le : 25-02-2014

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Montmorency - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEZoom nouveauté : "Week-ends" d'Anne Vilacèque

L'histoire
Un rien suffit parfois à gâcher un week-end à la campagne. Un simple malentendu sur un parking de supermarché, un mauvais réflexe, et voilà que tout se détraque. Rien ne va plus pour Christine. Jean la quitte. Ses amis de toujours, Sylvette et Ulrich, sont un peu moins ses amis. Tout fout le camp. Mais la vie est toujours pleine de surprises. Amours et désamours dans la vie de deux couples, le temps des week-ends.
Un film d'Anne Vilacèque avec Karin Viard, Noémie Lvovsky, Jacques Gamblin, Ulrich Tukur, Aurélia Petit.

 

Bonus : propos d'Anne Vilacèque, réalisatrice du film


WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEWeek-ends, c’est d’abord deux couples en miroir…
C’est le point de départ du film : deux couples, deux maisons voisines, et la campagne tout autour. Une image simple du bonheur tranquille. Christine, Jean, Sylvette et Ulrich ont été de grands amis, il y a longtemps, et sans doute l’essentiel de cette amitié est encore là, même si elle s’est aussi un peu diluée au fil du temps. Trente ans après, chacun des couples a terriblement besoin de l’autre pour se rassurer sur ce qu’il est. Donc, quand, dès le début du film, l’un des deux couples se défait, l’autre s’interroge. Nous avons tous été confrontés à cette expérience : la séparation d’un couple ami. Tous les rôles sont redistribués. On obéissait à une mécanique plus ou moins bien rodée, on avait nos petites habitudes, les hommes ensemble, les femmes entre elles, bref, ça roulait, et brusquement le groupe explose. Nous ne sommes plus que des êtres désemparés, fragiles, soudain très seuls. Même quand ce n’est pas nous qui nous séparons, nous nous séparons quand même un peu. Nous nous séparons en imagination. Nous commençons à nous dire : et nous, alors ? Comment ça se passerait si… Et, en retour, ceux qui se séparent attendent autre chose de nous, ils attendent plus, ils nous bousculent, nous obligent à nous expliquer – et souvent à choisir notre camp.
Le film parle de tout ça. Il parle de nos peurs, mais aussi de l’amour et du désamour. Il en parle sans emphase, sans jugement définitif, et avec drôlerie, j’espère. J’ai voulu « dé-romantiser » ces questions, et les remettre dans la réalité quotidienne et triviale qui est la nôtre. Car, dans les histoires de couples et de séparations, il est rarement question de sentiments. Pas directement, en tout cas. Ça se cristallise toujours sur autre chose. Ici, c’est la maison de campagne qui va devenir très vite un enjeu central du conflit. L’occupation de ce petit bout de territoire, avec ce qu’il englobe (les amis qui vont avec, les souvenirs, l’image du bonheur) rend la séparation inextricable.
Cette dé-romantisation est pour moi une sorte de réflexe, peut-être une pudeur, en tout cas une conviction profonde. Dans mes films, je regarde à WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEl’envers, ou à rebours de ce qu’on fait d’ordinaire : d’abord et avant tout ce qui est trivial, ordinaire, sans valeur, ce qu’on évite généralement de voir, parce que finalement, je crois que c’est comme ça qu’on arrive à l’essentiel, aux sentiments et à la vérité des êtres.

Au lieu de faire de cette histoire de couples une chronique, vous avez choisi un dispositif très tenu, avec le choix d’un décor presque unique et cette périodicité des week-ends qui rythme l’histoire.

C’est un film plutôt économe, et même, minimaliste. J’ai voulu montrer des choses complexes, invisibles, les « presque riens » de notre vie. Mais, pour ça, pour montrer le presque rien, il faut être délicat, filmer avec parcimonie, il ne faut pas s’agiter dans tous les sens.
Alors je me suis dit : parlons de la vie, mais en restant dans un seul endroit, comme le font les bons documentaristes quand ils veulent nous ouvrir les yeux sur le monde. Voyons ce qui se passe. Et donc, pour cette raison, et non pour une raison purement formelle ou théorique, le film se déroule dans un lieu presque unique : le territoire des deux maisons de campagne, avec la rue qui les relie. Plus quelques décors liés de façon très concrète à ces maisons (la gare, le supermarché, la plage etc.). Et tout se passe pendant le seul temps des week-ends. Tout le reste, c’est-à-dire en gros le versant « ville » de la vie des personnages, restera off. On ne saura jamais tout de ces personnages et tant mieux. Je déteste l’idée que je saurais tout des personnages de mes films. Pour moi, ils ont une vie autonome, quelque chose d’indéchiffrable qui me les rend très chers.
Ce minimalisme est une contrainte, bien sûr, mais il est surtout un jeu et un formidable moteur. Nous nous sommes beaucoup amusées, avec ma coscénariste Sophie Fillières. À chaque nouveau week-end, il fallait imaginer ce qui s’était passé entretemps. Il fallait se surprendre, et surprendre aussi le spectateur. De fait, nous avons eu quelques surprises au fil de l’écriture. Il y avait les personnages versatiles, qui changent de visage à chaque week-end, comme le personnage de Christine. Les personnages stables, les invariables, comme le sont Sylvette et Ulrich. Et puis le personnage-mystère, celui de Jean, qui ne se révèle vraiment qu’à la fin.
Surtout, ce choix de ne raconter que le versant « week-end » de la vie de ces quatre personnages donne une totale liberté au récit. Il permet de changer sans cesse de point de vue sur la situation, de faire varier le regard, en passant d’un personnage à l’autre. Et, au-delà des quatre principaux personnages, d’autres peuvent apparaître au cours du film et prendre le relais. Il y a bien sûr Pascale, le personnage joué par Aurélia Petit, qui est véritablement l’invitée-surprise de l’histoire. Il y a aussi Françoise, la mère de Sylvette qui sait dire des choses simples et vraies quand tous les autres en WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEsont empêchés. Gisèle Casadesus lui a prêté son visage et sa voix bouleversante. Il y a encore ce garçon rencontré à la plage et qui passe dans le film sans faire de vagues, avec une douceur presque inattendue. Une douceur qui fait du bien. La douceur, pour moi, c’est une conquête : je commence toujours par la colère et la révolte, je n’y peux rien.

Comment s’est passé le travail avec les comédiens ?
Il s’est passé quelque chose de magique pour moi sur ce film : les quatre comédiens que j’avais désirés pour incarner les quatre personnages principaux ont tous accepté ma proposition. Mieux : je voulais un véritable engagement, sans flottement, sans malentendu. Et je l’ai eu. Je les connaissais tous comme comédiens, à travers leurs rôles. Mais une rencontre, c’est autre chose. C’est très émouvant de rencontrer un comédien. Un comédien en chair et en os qui n’est brusquement plus un visage en gros plan sur un écran de cinéma. Nous avons eu des premiers rendez-vous. Et ça a été fort chaque fois.
Avec Karin, il y a eu quelque chose d’immédiat, et de très évident. Je voudrais dire clairement que, sans elle, je n’aurais pas fait le film. Pas sûr même que j’aurais eu envie de le faire. Un scénario, c’est comme un problème mathématique. Parfois l’équation est très difficile à résoudre. C’était le cas pour ce projet. Je savais qu’il me fallait Karin pour résoudre mon problème, répondre à mes interrogations personnelles, donner les solutions à toutes les séquences impossibles que j’avais imaginées. Elle a dit oui trois jours après avoir reçu le scénario, et avant même de m’avoir rencontrée. À partir de là, je savais que le travail concret était lancé. Une comédienne comme Karin, c’est une immense réserve d’énergie et de conviction pour un film. C’est surtout, au-delà du talent, une vérité humaine de ce qu’on a imaginé et qui paraissait inouï, extravagant, peut-être même invraisemblable, mais qui prend corps tout à coup, là, devant vos yeux. Elle a donc rendu le film possible. Et elle a ouvert des espaces formidables pour moi qui étais tiraillée entre les directions contradictoires de mon scénario : est-ce que c’est drôle ? Est-ce que c’est tragique ? Avec Karin, c’est toujours les deux à la fois, en même temps.
Noémie était en train de terminer "Camille redouble", elle était complètement investie dans les finitions de son film, mais elle a trouvé du temps pour moi. Elle aussi a besoin d’apprivoiser et de regarder les autres. Alors nous nous sommes apprivoisées mutuellement. Elle m’est d’abord apparue sauvage, imprévisible. Il faut beaucoup de douceur et de patience pour l’approcher, l’entrevoir vraiment, on n’est jamais certain d’avoir réussi à le faire. Mais elle a ce charme-là. Un charme très puissant, allié à une intelligence aigue du cinéma. J’ai essayé d’absorber égoïstement tout ce qu’elle pouvait m’apporter. Je l’ai filmée avec douceur, en essayant de ne pas la brusquer, pour obtenir ce que j’aimais par-dessus tout en elle : son sourire, sa fragilité, la brillance de son regard. J’ai cherché à capter ses fulgurances, et à les calmer, aussi, en même temps. Elle oblige à une gymnastique mentale et affective dont je me croyais incapable. À la fin, j’ai vu que je l’avais fait, et j’en ai été fière. De son côté, elle m’a toujours poussée vers le meilleur, le plus fort, le plus inattendu.
J’ai rencontré Ulrich à Francfort. Nous avons passé toute une journée ensemble. Une journée entière avec un inconnu, c’est rare. Il m’attendait le matin dans le hall de la gare, très élégant, avec un manteau et un chapeau des années 30. Il neigeait, nous avons marché dans les rues, nous avons mangé, bu, et nous avons beaucoup ri. Je me suis vraiment appuyée sur lui pendant la préparation et le tournage – tout le temps en réalité. C’est quelqu’un sur qui on peut compter. Un ami idéal en fait. Le personnage a grandi grâce à lui. Au départ, il était presque atone : un personnage qui ne réagit pas, qui a l’air de fuir les problèmes plutôt que de les affronter. Est-ce que ce personnage n’était pas même un poil lâche et veule dans mon esprit ? Peu à peu, il a pris de l’ampleur, naturellement, sans forcer, sans jamais chercher à s’imposer. Ulrich a déployé une grande virtuosité de jeu dans l’élaboration d’expressions minuscules, de mini-réactions. Il a compris que le film se jouait là, dans ce presque rien, et il a occupé cet espace. Souvent, je ne le voyais pas tout de suite, sur le plateau, parce que c’est un personnage qui n’est pas ou rarement au premier plan. C’est ensuite, en visionnant les séquences, que je me rendais compte de son travail. Et c’est au montage que nous avons redécouvert ce qu’il avait inventé.
Jacques a donné une intensité particulière à notre première rencontre. C’est quelqu’un de très secret, on sent qu’avec lui le chemin peut être long mais aussi passionnant. Le personnage de Jean était peut-être pour moi celui qui était le plus difficile à incarner. D’une certaine manière, si je me projette dans le film, je suis évidemment amoureuse de ce personnage. Donc, j’ai demandé ça à Jacques : faire en sorte qu’on puisse être amoureuse de lui. Je lui ai demandé sans lui demander, mais il a parfaitement compris ma demande inexprimée. Il est resté fragile, opaque, tourmenté. Un peu à distance, comme le personnage. Quelqu’un qui est toujours plus ou moins « ailleurs ». Après la séquence finale, que nous avons tournée l’avant-dernière semaine, il a lâché quelque chose, comme s’il se libérait complètement, comme si lui-même avait surmonté une épreuve à travers le film.
(extrait dossier de presse)

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Montmorency - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEZoom nouveauté : "Week-ends" d'Anne Vilacèque

L'histoire
Un rien suffit parfois à gâcher un week-end à la campagne. Un simple malentendu sur un parking de supermarché, un mauvais réflexe, et voilà que tout se détraque. Rien ne va plus pour Christine. Jean la quitte. Ses amis de toujours, Sylvette et Ulrich, sont un peu moins ses amis. Tout fout le camp. Mais la vie est toujours pleine de surprises. Amours et désamours dans la vie de deux couples, le temps des week-ends.
Un film d'Anne Vilacèque avec Karin Viard, Noémie Lvovsky, Jacques Gamblin, Ulrich Tukur, Aurélia Petit.

 

Bonus : propos d'Anne Vilacèque, réalisatrice du film


WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEWeek-ends, c’est d’abord deux couples en miroir…
C’est le point de départ du film : deux couples, deux maisons voisines, et la campagne tout autour. Une image simple du bonheur tranquille. Christine, Jean, Sylvette et Ulrich ont été de grands amis, il y a longtemps, et sans doute l’essentiel de cette amitié est encore là, même si elle s’est aussi un peu diluée au fil du temps. Trente ans après, chacun des couples a terriblement besoin de l’autre pour se rassurer sur ce qu’il est. Donc, quand, dès le début du film, l’un des deux couples se défait, l’autre s’interroge. Nous avons tous été confrontés à cette expérience : la séparation d’un couple ami. Tous les rôles sont redistribués. On obéissait à une mécanique plus ou moins bien rodée, on avait nos petites habitudes, les hommes ensemble, les femmes entre elles, bref, ça roulait, et brusquement le groupe explose. Nous ne sommes plus que des êtres désemparés, fragiles, soudain très seuls. Même quand ce n’est pas nous qui nous séparons, nous nous séparons quand même un peu. Nous nous séparons en imagination. Nous commençons à nous dire : et nous, alors ? Comment ça se passerait si… Et, en retour, ceux qui se séparent attendent autre chose de nous, ils attendent plus, ils nous bousculent, nous obligent à nous expliquer – et souvent à choisir notre camp.
Le film parle de tout ça. Il parle de nos peurs, mais aussi de l’amour et du désamour. Il en parle sans emphase, sans jugement définitif, et avec drôlerie, j’espère. J’ai voulu « dé-romantiser » ces questions, et les remettre dans la réalité quotidienne et triviale qui est la nôtre. Car, dans les histoires de couples et de séparations, il est rarement question de sentiments. Pas directement, en tout cas. Ça se cristallise toujours sur autre chose. Ici, c’est la maison de campagne qui va devenir très vite un enjeu central du conflit. L’occupation de ce petit bout de territoire, avec ce qu’il englobe (les amis qui vont avec, les souvenirs, l’image du bonheur) rend la séparation inextricable.
Cette dé-romantisation est pour moi une sorte de réflexe, peut-être une pudeur, en tout cas une conviction profonde. Dans mes films, je regarde à WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEl’envers, ou à rebours de ce qu’on fait d’ordinaire : d’abord et avant tout ce qui est trivial, ordinaire, sans valeur, ce qu’on évite généralement de voir, parce que finalement, je crois que c’est comme ça qu’on arrive à l’essentiel, aux sentiments et à la vérité des êtres.

Au lieu de faire de cette histoire de couples une chronique, vous avez choisi un dispositif très tenu, avec le choix d’un décor presque unique et cette périodicité des week-ends qui rythme l’histoire.

C’est un film plutôt économe, et même, minimaliste. J’ai voulu montrer des choses complexes, invisibles, les « presque riens » de notre vie. Mais, pour ça, pour montrer le presque rien, il faut être délicat, filmer avec parcimonie, il ne faut pas s’agiter dans tous les sens.
Alors je me suis dit : parlons de la vie, mais en restant dans un seul endroit, comme le font les bons documentaristes quand ils veulent nous ouvrir les yeux sur le monde. Voyons ce qui se passe. Et donc, pour cette raison, et non pour une raison purement formelle ou théorique, le film se déroule dans un lieu presque unique : le territoire des deux maisons de campagne, avec la rue qui les relie. Plus quelques décors liés de façon très concrète à ces maisons (la gare, le supermarché, la plage etc.). Et tout se passe pendant le seul temps des week-ends. Tout le reste, c’est-à-dire en gros le versant « ville » de la vie des personnages, restera off. On ne saura jamais tout de ces personnages et tant mieux. Je déteste l’idée que je saurais tout des personnages de mes films. Pour moi, ils ont une vie autonome, quelque chose d’indéchiffrable qui me les rend très chers.
Ce minimalisme est une contrainte, bien sûr, mais il est surtout un jeu et un formidable moteur. Nous nous sommes beaucoup amusées, avec ma coscénariste Sophie Fillières. À chaque nouveau week-end, il fallait imaginer ce qui s’était passé entretemps. Il fallait se surprendre, et surprendre aussi le spectateur. De fait, nous avons eu quelques surprises au fil de l’écriture. Il y avait les personnages versatiles, qui changent de visage à chaque week-end, comme le personnage de Christine. Les personnages stables, les invariables, comme le sont Sylvette et Ulrich. Et puis le personnage-mystère, celui de Jean, qui ne se révèle vraiment qu’à la fin.
Surtout, ce choix de ne raconter que le versant « week-end » de la vie de ces quatre personnages donne une totale liberté au récit. Il permet de changer sans cesse de point de vue sur la situation, de faire varier le regard, en passant d’un personnage à l’autre. Et, au-delà des quatre principaux personnages, d’autres peuvent apparaître au cours du film et prendre le relais. Il y a bien sûr Pascale, le personnage joué par Aurélia Petit, qui est véritablement l’invitée-surprise de l’histoire. Il y a aussi Françoise, la mère de Sylvette qui sait dire des choses simples et vraies quand tous les autres en WEEK-ENDS de ANNE VILACEQUEsont empêchés. Gisèle Casadesus lui a prêté son visage et sa voix bouleversante. Il y a encore ce garçon rencontré à la plage et qui passe dans le film sans faire de vagues, avec une douceur presque inattendue. Une douceur qui fait du bien. La douceur, pour moi, c’est une conquête : je commence toujours par la colère et la révolte, je n’y peux rien.

Comment s’est passé le travail avec les comédiens ?
Il s’est passé quelque chose de magique pour moi sur ce film : les quatre comédiens que j’avais désirés pour incarner les quatre personnages principaux ont tous accepté ma proposition. Mieux : je voulais un véritable engagement, sans flottement, sans malentendu. Et je l’ai eu. Je les connaissais tous comme comédiens, à travers leurs rôles. Mais une rencontre, c’est autre chose. C’est très émouvant de rencontrer un comédien. Un comédien en chair et en os qui n’est brusquement plus un visage en gros plan sur un écran de cinéma. Nous avons eu des premiers rendez-vous. Et ça a été fort chaque fois.
Avec Karin, il y a eu quelque chose d’immédiat, et de très évident. Je voudrais dire clairement que, sans elle, je n’aurais pas fait le film. Pas sûr même que j’aurais eu envie de le faire. Un scénario, c’est comme un problème mathématique. Parfois l’équation est très difficile à résoudre. C’était le cas pour ce projet. Je savais qu’il me fallait Karin pour résoudre mon problème, répondre à mes interrogations personnelles, donner les solutions à toutes les séquences impossibles que j’avais imaginées. Elle a dit oui trois jours après avoir reçu le scénario, et avant même de m’avoir rencontrée. À partir de là, je savais que le travail concret était lancé. Une comédienne comme Karin, c’est une immense réserve d’énergie et de conviction pour un film. C’est surtout, au-delà du talent, une vérité humaine de ce qu’on a imaginé et qui paraissait inouï, extravagant, peut-être même invraisemblable, mais qui prend corps tout à coup, là, devant vos yeux. Elle a donc rendu le film possible. Et elle a ouvert des espaces formidables pour moi qui étais tiraillée entre les directions contradictoires de mon scénario : est-ce que c’est drôle ? Est-ce que c’est tragique ? Avec Karin, c’est toujours les deux à la fois, en même temps.
Noémie était en train de terminer "Camille redouble", elle était complètement investie dans les finitions de son film, mais elle a trouvé du temps pour moi. Elle aussi a besoin d’apprivoiser et de regarder les autres. Alors nous nous sommes apprivoisées mutuellement. Elle m’est d’abord apparue sauvage, imprévisible. Il faut beaucoup de douceur et de patience pour l’approcher, l’entrevoir vraiment, on n’est jamais certain d’avoir réussi à le faire. Mais elle a ce charme-là. Un charme très puissant, allié à une intelligence aigue du cinéma. J’ai essayé d’absorber égoïstement tout ce qu’elle pouvait m’apporter. Je l’ai filmée avec douceur, en essayant de ne pas la brusquer, pour obtenir ce que j’aimais par-dessus tout en elle : son sourire, sa fragilité, la brillance de son regard. J’ai cherché à capter ses fulgurances, et à les calmer, aussi, en même temps. Elle oblige à une gymnastique mentale et affective dont je me croyais incapable. À la fin, j’ai vu que je l’avais fait, et j’en ai été fière. De son côté, elle m’a toujours poussée vers le meilleur, le plus fort, le plus inattendu.
J’ai rencontré Ulrich à Francfort. Nous avons passé toute une journée ensemble. Une journée entière avec un inconnu, c’est rare. Il m’attendait le matin dans le hall de la gare, très élégant, avec un manteau et un chapeau des années 30. Il neigeait, nous avons marché dans les rues, nous avons mangé, bu, et nous avons beaucoup ri. Je me suis vraiment appuyée sur lui pendant la préparation et le tournage – tout le temps en réalité. C’est quelqu’un sur qui on peut compter. Un ami idéal en fait. Le personnage a grandi grâce à lui. Au départ, il était presque atone : un personnage qui ne réagit pas, qui a l’air de fuir les problèmes plutôt que de les affronter. Est-ce que ce personnage n’était pas même un poil lâche et veule dans mon esprit ? Peu à peu, il a pris de l’ampleur, naturellement, sans forcer, sans jamais chercher à s’imposer. Ulrich a déployé une grande virtuosité de jeu dans l’élaboration d’expressions minuscules, de mini-réactions. Il a compris que le film se jouait là, dans ce presque rien, et il a occupé cet espace. Souvent, je ne le voyais pas tout de suite, sur le plateau, parce que c’est un personnage qui n’est pas ou rarement au premier plan. C’est ensuite, en visionnant les séquences, que je me rendais compte de son travail. Et c’est au montage que nous avons redécouvert ce qu’il avait inventé.
Jacques a donné une intensité particulière à notre première rencontre. C’est quelqu’un de très secret, on sent qu’avec lui le chemin peut être long mais aussi passionnant. Le personnage de Jean était peut-être pour moi celui qui était le plus difficile à incarner. D’une certaine manière, si je me projette dans le film, je suis évidemment amoureuse de ce personnage. Donc, j’ai demandé ça à Jacques : faire en sorte qu’on puisse être amoureuse de lui. Je lui ai demandé sans lui demander, mais il a parfaitement compris ma demande inexprimée. Il est resté fragile, opaque, tourmenté. Un peu à distance, comme le personnage. Quelqu’un qui est toujours plus ou moins « ailleurs ». Après la séquence finale, que nous avons tournée l’avant-dernière semaine, il a lâché quelque chose, comme s’il se libérait complètement, comme si lui-même avait surmonté une épreuve à travers le film.
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